« BEAT » | KING CRIMSON | 1982

Il arrive parfois qu’un groupe ne faisant pas partie de nos fondations -bien qu’en matériaux composites- nous attrape par le colbac avec un disque découvert sur le tard.

C’est le cas de l’album bleu –comme le nomment les connaisseurs de King Crimson– sorti entre le rouge (« Discipline » 81) et le jaune (« Three of a perfect pair » 84) : trilogie réunissant les mêmes musiciens dirigés par l’omnipotent et réputé tyrannique Robert Fripp (sorte de Picasso anglais du art rock).

Ce guitariste-organiste virtuose, auquel je ne prêtais attention qu’en tant qu’invité de David Sylvian, s’est installé à mon chevet audiophile avec ce « Beat » (Generation, au vu des textes) qui contribue à démonter la cloison entre ledit vénérable (musiques sorties de la contre-culture, du garage, de la rue) et ledit douteux (musiques alambiquées chéries des ingé son qui utilisent le terme zicos).

La matière bleue de l’album de 82 s’inflitre dans le cortex comme dans de la moëlle fondant sous l’intensité d’Adrian Belew (chant et lead guitar) qui contient les mêmes sédiments que Talking Heads avec qui il a joué (« Neal and Jack and Me ») et jamais très loin de Bill Laswell (« Sartori in Tangier »).

Certaines couches progressives à la fusion exacerbée façon Zappa (« Neurotica », « Requiem ») ou penchant vers l’AOR entre Police et Toto (« Heartbeat »), peuvent rencontrer un peu de résistance. Celle-ci est vite balayée par l’équilibre entre expérimentation et harmonie : « Waiting Man » et sa mélodie en suspension me fait penser à The Opposition des « Empire days » qui sortira trois ans après (oui, rapprochement osé).

Puis surgit une touchante mélancolie baléarique (« Two hands ») dont les paroles sont ecrites par l’épouse d’Adrian, Margaret Belew : du kaolin couleur klein, doux et fragile, mat et profond.

Un disque vinyle fétiche et quelques raisons de l’écouter | Une chronique chaque samedi ou dimanche | Par @alcaline_jukeboxbabe. @jukebox_babe_plays